Blogs

Appliquer la redevabilité différemment en Inde

You are viewing the French translation of this post. View the English version here.

Il faut tout un village pour élever un enfant. Et il faut une multitude d’actions à plusieurs niveaux de gouvernement pour s’assurer que l’enfant possède un manuel scolaire lorsqu’il va à l’école. La prestation des services publics est complexe. Les problèmes se limitent rarement à une école, à une localité ou à une institution gouvernementale particulière. C’est l’un des points que Jonathan Fox de l’Université américaine a souligné dans un récent article dans le blog de l’Open Budgets, soutenant qu’un « redémarrage conceptuel » est nécessaire parmi ceux qui exigent une gouvernance plus responsable. Un accent étroit sur les problèmes isolés de la prestation de services risque de créer la confusion entre les symptômes des pannes de responsabilisation et les causes.

La solution ? Nous devons commencer à appliquer la redevabilité différemment. Les réformateurs ont besoin de soutien pour forger différentes coalitions qui sont capables de se mouvoir dans cette complexité et de provoquer le changement. Ces coalitions doivent être capables d’influencer en même temps les différents niveaux du gouvernement et de surveiller les liens dans la chaîne de prestation des services, du niveau local, régional et même national (c’est-à-dire, « l’intégration verticale »).

Des recherches récentes menées par l’IBP semblent correspondre à la réflexion de Fox. Le travail de Paolo de Renzio sur l’écosystème de responsabilisation budgétaire met en exergue les complexités de la gestion des finances publiques et de la nécessité d’adopter une approche plus holistique des moteurs de la responsabilisation. Les travaux de recherche sur les facteurs de réussite des campagnes budgétaires réalisés par Jillian Larsen préconisent la création de coalitions qui permettent la répartition du travail, et laissent toute latitude à chaque organisation de se concentrer sur son domaine de spécialité.

Deux nouvelles études de cas réalisées par l’IBP documentant le travail de deux OSC en Inde — une documentant le travail de Support for Advocacy and Training to Health Initiatives (SATHI), l’autre se penchant sur Samarthan — apportent de nouvelles perspectives sur la manière d’appliquer la redevabilité dans la pratique.

Se débattre avec les complexités du système de santé indien

Partenaire de longue date de l’IBP, SATHI travaille depuis de décennies dans l’amélioration du système de santé publique dans l’État indien du Maharashtra. L’organisation a travaillé avec les villages pour organiser des audits sociaux sur des centres de santé individuels, mobilisant ainsi des réseaux d’OSC pour aider les communautés à enquêter et à documenter les problèmes, et proposer des solutions. SATHI n’utilise pas seulement les résultats des audits pour aider à améliorer les centres de santé individuels, mais aussi pour identifier les lacunes et les blocages liés aux niveaux supérieurs du gouvernement. En s’appuyant sur les réseaux des OSC et sur sa position officielle au sein des comités gouvernementaux, SATHI a fait pression pour apporter des changements là où ils étaient nécessaires – au niveau des districts ou au niveau national – en comblant l’écart entre les personnes touchées directement par les problèmes du système de santé et les décideurs.

La stratégie utilisée par SATHI semble porter ses fruits. Elle a d’ores et déjà contribué à l’expansion des pratiques participatives dans le secteur de la santé du Maharashtra. SATHI s’est appuyé sur son travail communautaire pour montrer que les patients étaient 10 fois plus susceptibles de donner des évaluations positives aux centres de santé qui avaient fait l’objet d’un suivi communautaire par rapport aux centres qui n’avaient pas été soumis à ce suivi. L’organisation a ensuite été en mesure d’exploiter ses connaissances et ses réseaux pour forcer le gouvernement de l’État à agir en élargissant la pratique dans d’autres régions du Maharashtra.

Améliorer le plus grand filet de sécurité sociale au monde

Comme SATHI, Samarthan a une longue expérience de la lutte contre les problèmes de gouvernance en Inde. L’organisation travaille dans le renforcement de la gouvernance participative et le développement au Madhya Pradesh. L’un de ses principaux domaines de travail consiste à améliorer le programme Mahatma Gandhi National Rural Employment Guarantee Scheme (MGNREGS).. Apparemment le plus grand régime de sécurité sociale du monde, le programme MGNREGS garantit 100 jours de travail rémunéré à chaque ménage rural en Inde. Cette main-d’œuvre doit être dirigée vers des projets de travaux publics que les communautés identifient elles-mêmes comme prioritaires. Le programme a le potentiel de transformer la vie de dizaines de millions de ménages pauvres en Inde rurale, mais il est en proie à l’inefficacité, la manipulation, et la corruption pure et simple à plusieurs niveaux, depuis l’État jusqu’aux villages.

Samarthan a rapidement compris que les ruptures de responsabilisation rendaient difficile la compartimentation. L’organisation pouvait identifier un problème isolé dans un seul village ou dénoncer des failles plus larges et systémiques dans la façon dont le programme était administré. Elle décida donc de devenir un vecteur pour répondre à ces deux types de dysfonctionnement.

En s’appuyant sur ses réseaux communautaires, Samarthan a contribué à coordonner des audits sociaux au niveau des villages et a organisé une session de formation avec les responsables locaux qui administrent le système. Parallèlement, l’organisation s’est activement engagée auprès des réseaux des OSC, comme par exemple The People’s Budget Initiative [l’Initiative sur le budget du peuple], pour mettre en avant les problèmes systémiques.

Encore une fois, à l’instar de SATHI, le travail de Samarthan lui a permis de rester connecté avec réalités de la prestation des services sur le terrain. Il a aidé les communautés et les organisations locales à s’attaquer aux problèmes propres à un village ou à un quartier particulier, mais Samarthan est également en mesure d’influencer les niveaux supérieurs de gouvernement concernant des problèmes plus larges et plus systémiques.

Appliquer la redevabilité différemment

Aussi bien SATHI que Samarthan semblent travailler d’une façon qui illustre au moins une partie de ce que Fox veut dire par « Appliquer la redevabilité différemment ». Ces deux OSC n’ont pas cherché à s’élargir en surveillant de plus en plus de communautés ou d’établissements de santé. Au contraire, les deux organisations ont adopté une vision plus holistique de la redevabilité et ont rejoint ou forgé des réseaux qui leur permettent de s’engager dans le suivi et le plaidoyer à plusieurs niveaux de gouvernement. Chacune d’elle a maintenu une base solide au niveau communautaire tout en renforçant les capacités nécessaires pour se mouvoir dans les dimensions techniques et politiques de la gouvernance aux niveaux régional et national. Les deux organisations ont réussi à identifier les symptômes, à diagnostiquer les causes sous-jacentes, et à façonner leurs stratégies d’engagement en conséquence.

Cette dernière étape est cruciale. Leur travail n’a pas seulement consisté à concevoir la solution politique idéale, bien qu’elles soient toutes deux bien placées pour le faire. Elles n’avaient pas pour objectif d’avoir un siège à la table, même si elles se sont toutes deux impliquées avec différents organismes officiels, auxquels elles ont désormais accès. Leur efficacité réside dans leur capacité de se mouvoir dans un système complexe de prestation de services publics et de rassembler des puissants réseaux de réformateurs afin de faire entendre leur voix – et les voix des personnes qu’elles servent – dans les oreilles de deux qui doivent agir.

Lectures complémentaires

Authors
About this insight
Related topics & Initiatives
Related Countries & Regions