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Audits sociaux en Afrique du Sud : Peuvent-ils servir à quelque chose ?

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La semaine dernière, j’ai eu la chance de participer à une réunion avec certains des plus grands experts de l’audit social en Afrique du Sud, qui se sont réunis pour comparer leurs notes et discuter de certains des enseignements tirés de huit audits différents organisés par des organisations de la société civile (OSC). La réunion faisait partie d’une visite en Afrique du Sud du Global Board of the Open Society Foundations. Elle s’est déroulée à Khayelitsha, juste à l’extérieur du Cap, qui est la ville où les premiers audits sociaux ont été menés en Afrique du Sud et organisés par la Social Justice Coalition (SJC) et Ndifuna Ukwazi (NU).

Un des thèmes de discussion important était de savoir quel était le succès des audits sociaux par rapport à des campagnes et des grèves plus dures qui semblent obtenir plus facilement des concessions du gouvernement sud-africain. Le mouvement a incité certains participants à la réunion à se demander si le type de campagnes qui sont à l’origine des audits sociaux laissent les gouvernements s’en tirer à bon compte en fondant leurs demandes dans les politiques gouvernementales et les processus budgétaires plutôt qu’en obligeant le changement grâce à la mobilisation de masse,  aux grèves et aux autres stratégies plus directes.  Nous avons également discuté des avantages et des limites de la crédibilité qu’un audit apporte aux campagnes, et la complexité de l’établissement du programme d’audit social.

Les audits sociaux sont-ils indulgents vis-à-vis des gouvernements ? 

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Contrairement aux campagnes qui sont plus intrinsèquement conflictuelles, les audits sociaux investissent massivement dans le décryptage et le décodage des politiques et des processus budgétaires gouvernementaux. Ils commencent souvent par l’examen des documents officiels pour comprendre les engagements pris par le gouvernement en matière de prestation de services et ce que pourraient être les contre-propositions viables. Cela ne veut pas dire que les audits sociaux ne peuvent pas faire partie de campagnes plus vastes qui utilisent une variété de stratégies pour amener le gouvernement à réagir. Mais cet engagement est fermement ancré dans les faits et les chiffres que le gouvernement publie dans les documents officiels.

Rien de tout cela ne signifie que les audits sociaux sont « indulgents » vis-à-vis du gouvernement. Il s’agit tout simplement d’un outil différent pour obtenir et maintenir l’attention du gouvernement sur une question d’importance. La plupart des participants ont estimé que les audits sociaux incarnaient un style de plaidoyer qui méritait d’être préservé. Ils ont souligné la puissance des principes fondamentaux de l’audit social, telles que l’appropriation par la communauté ainsi que l’utilisation des preuves et d’engagements officiels pour collaborer avec le gouvernement. Étant donné que cette approche de plaidoyer est basée sur une compréhension profonde des budgets et des politiques, les audits sociaux peuvent, dans certains cas effectivement être plus sévères pour le gouvernement – et sont donc plus difficiles à ignorer.

La crédibilité est-elle importante ?

En dépit d’être solidement ancrés dans les preuves, tout le monde n’accorde pas aux audits sociaux le respect qu’ils méritent. Certains membres du gouvernement sud-africain ont choisi de remettre en question la validité des résultats d’audit et mettent en doute la rigueur de la collecte et de l’analyse des données. Les organisations de la société civile ont parfois réagi en renforçant ces aspects de leurs audits sociaux. Dans d’autres cas, comme par exemple, l’audit sur les installations sanitaires scolaires mené par Equal Education, les OSC ont désigné des observateurs indépendants réputés pour se porter garants de la rigueur du processus.

Pourtant, ainsi que l’un des participants l’a fait remarquer, « la légitimité ne garantit pas la responsabilité. » En fin de compte, ces défis posés par le gouvernement sont moins motivés par un souci de rigueur scientifique, et davantage sur le fait de traiter les questions difficiles posées sur la façon dont les autorités font leur travail. Des observateurs indépendants et des méthodes solides peuvent rendre plus difficile pour le gouvernement de rejeter les conclusions des audits sociaux, mais ils ne garantissent pas la responsabilité. C’est la raison pour laquelle les OSC doivent utiliser d’autres stratégies, comme la génération de la couverture médiatique et la mobilisation du soutien populaire.

Qui établit l’ordre du jour d’un audit social ?

Les questions consistant à savoir qui décide du thème à mettre en valeur sont cruciales parce que l’appropriation par la communauté est une partie essentielle d’un audit social. Dans le même temps, les audits sociaux sont si riches en informations et en connaissances que le fait de se concentrer sur une seule question les rend souvent plus efficaces. Dans les quelques premiers audits sociaux réalisés en Afrique du Sud, les organisations d’adhérents, comme SJC et Equal Education, ont utilisé les audits sociaux dans le cadre des campagnes en cours, dans lesquelles l’ordre du jour avait déjà été fixé. Cela a facilité le choix du thème à traiter et a contribué à obtenir l’engagement des communautés concernées.

Des audits sociaux plus récents, comme celui qui a été réalisé par Ndifuna Ukwazi à Wolwerivier, ont fait participer une organisation extérieure pour aider la communauté à effectuer l’audit social. La question de l’ordre du jour est alors devenue plus difficile à traiter. Les organisations facilitatrices savent que le fait de se concentrer sur une seule question augmente l’impact d’un audit social, mais les communautés doivent faire face à une telle myriade de problèmes de prestation de services et de groupes d’intérêt qu’il peut être difficile de se mettre d’accord sur une seule question.

Cela pose des questions intéressantes sur la façon dont les audits sociaux peuvent être reproduits à travers l’Afrique du Sud. La situation dans laquelle les organisations extérieures aident les communautés à mener des audits sociaux semble presque nécessaire afin qu’ils soient plus fréquents. Pourtant, des audits sociaux efficaces doivent-ils être menés dans le cadre de campagnes avec des programmes bien développés ? Ou peuvent-ils être adaptés pour aider de nouvelles campagnes à affiner leurs programmes ?

Comment pouvons-nous révolutionner l’audit social ?

Un participant à l’atelier a posé cette même question. L’enthousiasme suscité par les audits sociaux s’est propagé rapidement au sein de la société civile sud-africaine, ainsi que dans le gouvernement et dans la communauté des bailleurs de fonds. Cela a donné lieu à de nombreuses demandes de formation à l’audit social. Cependant, comme de nombreux participants l’avaient prédit, les audits sociaux ne sont pas une panacée pour résoudre tous les problèmes de prestation de services de l’Afrique du Sud et ils ne se prêtent pas à une approche uniformisée. Lorsqu’un problème de prestation de services est causé par l’insuffisance du budget plutôt que par une mauvaise mise en œuvre, par exemple, un audit social peut ne pas être la meilleure façon de procéder.

SJC, NU, Planact, et Equal Education ont fait un travail admirable pour promouvoir la pratique en Afrique du Sud, en préférant une croissance lente et régulière du nombre d’audits et d’organisations plutôt que la dispersion. Ces organisations ont également créé un guide de l’audit social et ont formé le Réseau de l’audit social pour appuyer de telles initiatives. Ce réseau envisage maintenant de coordonner le nombre croissant de professionnels expérimentés de l’audit social afin de veiller à ce que les nouveaux auditeurs aient accès à leur expérience.

Les audits sociaux sont des outils puissants. Pourtant, afin qu’ils soient le plus efficaces possible, il faut savoir quand et comment les utiliser et comprendre leurs principes sous-jacents. Même s’ils ne sont pas toujours le moyen le plus rapide pour inciter le gouvernement à agir, le type de changement qu’ils peuvent provoquer pourrait bien être révolutionnaire.

Authors

Albert van Zyl

Country Manager, South Africa , International Budget Parnership

Albert van Zyl is the International Budget Partnership’s (IBP) South Africa Country Manager. van Zyl joined IBP in 2005 from South Africa where he established and managed the macroeconomic analysis and budget offices in the Western Cape Treasury. Before that he worked at the Budget Information Service (BIS) at the Institute for Democracy in South Africa (Idasa) and directed it from 2000-2002. Most recently he worked as IBP’s Director of Strategy and Learning. Van Zyl holds MA degrees in Politics, Philosophy, and Economy from the Universities of Stellenbosch and Bordeaux, France. He has been published on a range of public finance issues including CSO oversight of budgets, fiscal policy, social service finance, budget transparency, and subnational finance.

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