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Des comptables qui ont des opinions : Comment les audits gouvernementaux peuvent-ils encourager la redevabilité ?

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L’International Budget Partnership (IBP) a récemment réuni un groupe d’experts et de professionnels de premier plan dans le domaine de l’audit public afin de discuter de la façon de rendre les audits plus efficaces. L’événement a rassemblé des personnalités du monde de l’audit, y compris les dirigeants et les anciens chefs des institutions supérieures de contrôle (ISC) en Inde, au Kenya, en Corée, au Népal et aux Philippines, ainsi que des représentants de la société civile, des universités, des donateurs bilatéraux et des banques internationales de développement.

Les vérificateurs ont l’un des emplois les plus difficiles au sein du gouvernement : veiller à ce que des politiciens, des fonctionnaires et des institutions puissants rendent des comptes. Ils vérifient inlassablement les livres pour toute preuve de corruption, de malversation, et d’ineptie, en rendant compte de leurs résultats pour initier des améliorations. En ce sens, les ISC sont essentielles pour une gouvernance responsable. Pourtant, ainsi que l’a révélé l’Enquête sur le budget ouvert à maintes reprises, les ISC sont fortement limitées dans leurs activités dans de nombreux pays. Les rapports d’audit ne sont pas divulgués au public, les audiences sur les conclusions des audits se déroulent à huis clos, et les conclusions ne sont pas prises en compte. Bon nombre de ces problèmes proviennent des ISC qui n’ont pas l’indépendance requise pour exercer efficacement leur travail.

Étant donné le potentiel de ces institutions pour une gouvernance plus responsable, l’IBP a voulu réunir des experts et des professionnels pour identifier les défis, trouver des solutions et discuter des mesures pratiques pour les faire progresser.

Qu’est-ce qu’il faut changer ?

Tout en reconnaissant que les vérificateurs gouvernementaux sont confrontés à une multitude d’obstacles spécifiques au contexte de leur pays, les participants ont identifié un certain nombre de défis communs à de nombreuses ISC à travers le monde. En plus de partager ces défis, le groupe a tiré parti de son expérience pour discuter des moyens de les surmonter.

Bon nombre d’entre eux ont convenu que les conclusions des rapports d’audit passent souvent inaperçues par les pouvoirs en place. Pour y remédier, les ISC doivent faire des efforts pour établir des liens avec d’autres acteurs de l’écosystème de responsabilisation. Il s’agit notamment des assemblées législatives, qui sont souvent les premières à voir les rapports d’audit ; des organismes de lutte contre la corruption et des autres organismes officiels qui doivent agir en fonction des conclusions de l’audit ; ainsi que des acteurs de la société civile et des journalistes, qui peuvent attirer l’attention du grand public sur les résultats et contribuer à assurer que les rapports ne soient pas enterrés. Un participant a souligné la possibilité d’établir des groupes de travail intergouvernementaux pour éliminer les cloisons et assurer que les conclusions des audits soient bien prises en compte.

La communication est un autre domaine que les ISC pourraient améliorer. L’implication des médias et du public dans leurs résultats a été perçue comme essentielle pour inciter le gouvernement à agir. Si et quand une ISC découvre une importante affaire de corruption officielle, la couverture médiatique et le tollé public sont souvent assurés. En revanche, les conclusions d’audit qui soulignent des inefficacités ou des incompétences plus banales peuvent souvent passer inaperçues. Ces conclusions sont cruciales pour stimuler l’amélioration progressive des fonctions et des services gouvernementaux qui sont susceptibles de faire une réelle différence dans la vie des gens.

En plus de publier des rapports d’audit individuels, les ISC doivent également apprendre à mieux communiquer leur rôle et leurs responsabilités. Il est nécessaire d’établir fermement dans la conscience publique l’importance de leur indépendance et de leur objectivité, ainsi que le rôle crucial qu’elles jouent dans la conduite d’une meilleure gouvernance. Si davantage de personnes comprenaient ce que font les ISC, beaucoup plus de monde pourrait les défendre lorsque les cibles de leurs audits font monter la pression.

Sur le plan technique, les ISC doivent être plus efficaces en associant leurs rapports à d’autres processus de prise de décisions, en particulier ceux qui se rapportent aux budgets gouvernementaux. Un rapport qui révèle des lacunes dans le secteur de l’éducation n’aura pas le même impact si les priorités budgétaires pour l’éducation ont déjà été fixées. Il y a également tout à gagner pour les ISC si elles associent leurs audits aux accords et aux institutions internationaux, comme par exemple les engagements des Objectifs de développement durable (ODD) et de l’Open Government Partnership (OGP) dans leurs plans d’action nationaux. Ceux-ci pourraient s’avérer des points d’entrée essentiels pour que les vérificateurs utilisent leurs résultats pour souligner les initiatives gouvernementales qui ne sont pas sur la bonne voie.

Quelques idées pratiques d’amélioration

Les participants souhaitaient élaborer des mesures concrètes susceptibles d’être mises en place afin d’améliorer l’efficacité des ISC. Sur le plan international, il a été suggéré de créer un organisme composé d’anciens hauts fonctionnaires des ISC qui s’engageraient dans les accords internationaux et les institutions internationales d’intérêt. Un tel organisme pourrait souligner l’importance de la fonction d’audit pour réaliser les aspirations de, par exemple, des engagements des ODD et de l’OGP, encourager les ISC à être considérées comme un acteur plus sérieux dans ce domaine.

Les participants ont également souligné que des réseaux régionaux et internationaux de législateurs et de vérificateurs (tels que l’Union interparlementaire et l’Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle) pouvaient être utiles pour attirer l’attention sur la question de l’absence de prise en compte des conclusions de l’audit. De nombreux participants ont également convenu que les organisations internationales devaient produire plus de recherche et d’orientation sur la façon dont les ISC peuvent mieux s’engager avec les parties prenantes externes et communiquer avec le public.

Sur le plan national, les participants ont suggéré que les ISC pourraient lancer des campagnes de sensibilisation afin de mieux faire connaître leurs rapports d’audit et d’informer les citoyens sur le rôle qu’elles jouent dans la bonne conduite des gouvernements. De telles campagnes pourraient être construites autour d’une base de données qui assure le suivi des actions prises par le gouvernement pour répondre aux questions soulevées par les conclusions des audits. Une autre suggestion consistait à mettre en place une « Journée de la responsabilisation » annuelle qui se pencherait sur les résultats récents du gouvernement au moment où le gouvernement annonce le budget de l’année suivante. Afin de contribuer à établir des relations et à renforcer les liens entre les différents acteurs, des groupes d’OSC, de journalistes, de législateurs et de responsables de la lutte contre la corruption pourraient être créés afin de s’attaquer aux problèmes spécifiques identifiés dans les rapports d’audit et de conserver les questions importantes à l’ordre du jour.

Du côté de l’IBP, nous nous inspirerons du succès de la réunion pour nous pencher sur la manière de concrétiser ces idées. Parallèlement à une série de blogs qui approfondissent la fonction d’audit, nous travaillons sur une note conceptuelle qui s’appuie sur la discussion pour fixer des étapes concrètes d’amélioration. Nous étudierons également les différentes façons dont nous pouvons collaborer avec nos partenaires de la société civile afin de mieux utiliser les résultats des audits et d’établir des relations plus solides avec les vérificateurs.

Authors

Vivek Ramkumar

Senior Director of Policy,

Vivek Ramkumar joined the International Budget Partnership (IBP) in 2005 and currently is Senior Director of Policy. In this capacity, he oversees IBP’s research and advocacy efforts to expand the adoption of transparent and accountable budget systems around the world. As Senior Director, Vivek stands-in for the Executive Director, as requested. Vivek previously worked with the MKSS – an organization that pioneered the Right to Information movement in India. He also worked with a Mumbai-based nongovernmental organization called SPARC, which is part of the Shack/Slum Dwellers International. Vivek is a qualified Chartered Accountant and holds an MA from the London School of Economics.

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