Il s’agit de la deuxième partie d’une série en trois parties sur l’analyse budgétaire et le parcours d’apprentissage du plaidoyer du partenaire de la société civile de l’IBP, Social Justice, en Côte d’Ivoire.
Pourquoi un budget ? C’est une question que nous entendons beaucoup à l’International Budget Partnership (IBP). La réponse peut être complexe, mais en bref, les budgets ont un impact direct sur la vie des populations et leur capacité (ou incapacité) à accéder aux ressources et aux services nécessaires pour prospérer. Au cœur de ce travail se trouvent nos partenariats auprès des groupes de la société civile du monde entier. Nous travaillons avec eux pour renforcer leur capacité à s’engager dans l’écosystème budgétaire de leur pays afin d’influer le changement transformationnel. L’un de ces partenaires de longue date est Social Justice en Côte d’Ivoire – un groupe qui, en seulement 18 mois, a considérablement approfondi et axé ses compétences en analyse budgétaire pour relever un défi qui affecte les enfants à travers le pays.
Le contexte compte : le Réseau Afrique Francophone
Au cours des 20 années de travail budgétaire de l’IBP, nous avons vu nos partenariats avec les acteurs gouvernementaux, les groupes de la société civile et les mouvements sociaux aboutir à des changements de politiques et de processus importants qui améliorent la vie des populations les plus marginalisées. Ces succès nous incitent à étendre notre travail et nos partenariats à d’autres pays, mais nous savons que la réplication n’est souvent pas possible étant donné le contexte d’une région ou d’un pays spécifique. L’une de ces régions est l’Afrique francophone, où nous avons intensifié notre travail avec la création du Réseau Afrique Francophone (RAF) – composé de 14 groupes de la société civile de neuf pays d’Afrique Centrale et de l’Ouest. L’objectif est de renforcer l’apprentissage et les pratiques sur le travail budgétaire afin que les membres du RAF puissent exécuter des stratégies de plaidoyer ambitieuses mais réalistes qui contribuent à des processus et des résultats budgétaires plus inclusifs et équitables dans leurs pays. L’IBP a réussi à organiser ce réseau à travers des ateliers et autres événements, mais a également décidé d’aller plus loin et d’offrir des ressources dédiées à trois groupes du RAF, y compris Social Justice, Côte d’Ivoire. Ayant travaillé avec eux en tant qu’enquêtrice sur le budget ouvert , nous savions qu’elle était bien placée pour faire évoluer son travail de plaidoyer et d’analyse budgétaire vers un niveau supérieur. Créée en 2009, Social Justice Côte d’Ivoire défend et travaille sur les questions de transparence, de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance et a s’est servie du suivi budgétaire comme un outil pour atteindre ses objectifs. Cependant, pour approfondir ce travail, l’IBP et Social Justice Côte d’Ivoire savaient qu’ils devraient passer des questions de transparence plus élargies à l’analyse budgétaire et au plaidoyer pour restreindre leur champ d’action et réaliser des changements significatifs.
Comprendre l’écosystème
La première étape a été de mieux comprendre l’écosystème global des finances publiques en Afrique francophone afin d’identifier sur quoi ils pourraient concentrer leurs efforts. Huit pays, dont la Côte d’Ivoire, font partie de l’union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui partagent la même monnaie et une banque centrale. En conséquence, les réformes de la gestion des finances publiques se produisent au niveau régional, nécessitant une compréhension des tenants et aboutissants de l’UMOA. Le soutien de l’IBP à Social Justice a inclus une analyse approfondie des réformes de l’UEMOA pour comprendre comment Social Justice pourrait au mieux aborder son analyse budgétaire. Ils ont appris que dans le cadre des réformes de l’UEMOA, ils étaient passés à la budgétisation axée sur les programmes (PBB) qui vise à rendre les budgets plus transparents, à s’assurer que l’argent public soit dépensé sur les vraies priorités et à établir un lien plus étroit entre les budgets et les objectifs de dépense. Cela signifiait que Social Justice Côte d’Ivoire aurait besoin de comprendre comment fonctionne la PBB pour s’engager dans le processus budgétaire. C’est ce type de contexte spécifique à la région qui rend difficile la réplication du travail budgétaire réussi d’autres pays et nécessite un réseau dédié tel que le RAF.
Un problème émergent
À partir de l’année scolaire 2014-2015, le gouvernement Ivoirien a rendu l’école obligatoire pour les six à 16 ans et a reconnu l’importance des cantines scolaires pour maintenir les enfants à l’école et améliorer ainsi les taux de réussite. En effet, selon le ministère de l’Éducation nationale, le taux de performance scolaire est passé de 62% en 2012 à 74% en 2015 dans les écoles primaires ayant des cantines et le taux de réussite moyen au certificat d’études primaires élémentaires (CEPE) est de 68% dans ces écoles, contre 59% dans les écoles sans cantines. Social Justice Cote d’Ivoire a décidé d’évaluer l’efficacité des cantines scolaires dans l’amélioration des performances des élèves. Pendant que Social Justice Côte d’Ivoire s’activait sur son analyse, elle s’est concentrée sur une question clé : existe-t-il des programmes de cantines scolaires fonctionnels dans le pays ? Elle a remarqué une tendance inquiétante qui allait devenir son objectif lors de notre partenariat : sur les 12 537 écoles primaires publiques existantes, 7 115 n’avaient pas de cantines scolaires, et sur les 5 422 cantines, certaines n’étaient pas opérationnelles ou fonctionnelles. Social Justice Cote d’Ivoire a examiné les allocations budgétaires et a déterminé qu’en dépit de leur importance, les autorités étatiques et locales n’accordaient pas la priorité ou n’allouaient pas des ressources suffisantes aux cantines. Il est vite apparu que plusieurs facteurs contribuaient à ce problème :
- Les cantines scolaires dépendent dans une très large mesure de l’appui des donateurs, à savoir le Programme Alimentaire Mondial ;
- Un manque de financement spécifique des cantines scolaires par l’Etat central et les autorités locales ;
- Un système de contrôle faible pour le suivi et l’accès aux informations sur les cantines scolaires ;
- Implication minimale de la communauté dans la gestion et le contrôle de l’approvisionnement des cantines scolaires ;
- Aucune implication des coopératives ou autres groupes de production alimentaire dans la gestion et l’approvisionnement des cantines scolaires ;
À partir de son analyse, Social Justice Côte d’Ivoire s’est concentrée sur un problème critique auquel sa communauté était confrontée et qui cadrait avec ses objectifs en tant qu’organisation : la transparence, la bonne gouvernance et la justice sociale. Elle s’est saisie du problème de la cantine scolaire et l’a suivi, renforçant ses capacités à examiner le problème sous le prisme d’une analyse budgétaire en identifiant les bonnes parties prenantes pour l’aider à promouvoir la réussite des enfants scolarisés.
Dans la deuxième partie de cette série, nous accompagnerons Social Justice dans son parcours pour développer sa stratégie afin de résoudre le problème de la cantine scolaire et développer ses compétences en matière de plaidoyer budgétaire.