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La riposte au changement climatique dans le monde est peut être la plus grande opportunité de diriger des fonds publics vers des communautés pauvres et vulnérables dans un avenir proche. Au mois de décembre 2015, 195 pays ont adhéré à l’Accord de Paris en vertu de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, et se sont engagés à réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre (« atténuation ») et à protéger les communautés et les personnes vulnérables contre les impacts du changement climatique (« adaptation »). Au 7 octobre 2016, date limite, un nombre suffisant de pays avaient ratifié l’accord pour permettre son entrée en vigueur le 4 novembre en tant que Traité international « visant à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté ».
À mesure que les pays se préparent à une action climatique mondiale, ils augmentent également le financement nécessaire pour mettre en œuvre des mesures visant à respecter leurs engagements au titre de l’Accord de Paris. Les estimations du montant des nouveaux financements qui devront être mobilisés pour apporter une réponse adéquate au changement climatique représentent des centaines de milliards de dollars par an. Si une telle mobilisation doit réussir, elle produira un afflux massif de fonds dans les pays pour faire face aux impacts du changement climatique. Si ces fonds sont utilisés correctement, ils pourraient également permettre des avancées majeures dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Pour quelles raisons l’IBP devrait s’impliquer dans ce nouveau domaine ? Alors que les fonds proviendront de sources nationales et internationales privées et publiques, la majorité des efforts de lutte contre le changement climatique seront gérés par des gouvernements nationaux et locaux par le biais de leurs systèmes budgétaires nationaux. Afin de veiller à ce que les ressources limitées investies dans les activités liées au climat soient dépensées avec le plus d’efficacité possible et atteignent les bénéficiaires visés – à savoir, les personnes et les communautés les plus vulnérables aux impacts du changement climatique – avec des fuites minimales, la transparence et la reddition des comptes seront essentielles.
Par exemple, dans le sillage du typhon Yolanda, qui a ravagé les Philippines en 2013 et a dévasté les familles et les communautés, Social Watch Philippines (SWP) a étudié la façon dont les fonds publics ont été utilisés dans les efforts de reconstruction et de réhabilitation dans plusieurs communautés. Après avoir réussi à défier le ministère de la Gestion du budget afin qu’il publie des informations sur les efforts de reconstruction qui n’avaient pas été rendus publics, SWP a réalisé une enquête sur le suivi des dépenses qui a révélé qu’en novembre 2015, seulement 8% des 14 000 unités de réinstallation qui devaient être construites d’ici mars 2016 avaient effectivement été construites et occupées. Grâce à une analyse minutieuse et à la pression extérieure, des actions comme celles de SWP, qui identifient et rendent publique l’échec du gouvernement à répondre aux besoins essentiels de ceux dont la vie est bouleversée par les effets du changement climatique, sont essentielles pour l’utilisation efficace des fonds publics destinés à de tels objectifs. Ainsi, en 2016, l’IBP a franchi deux étapes importantes dans l’étude des travaux potentiels concernant la reddition des comptes en matière de changement climatique. La première a consisté à nouer un partenariat avec l’Équipe de gouvernance du financement du changement climatique du PNUD afin d’évaluer les écosystèmes de responsabilisation du financement du changement climatique dans quatre pays : le Bangladesh, l’Inde, le Népal et les Philippines.
L’IBP a également établi un partenariat avec le World Resources Institute (WRI) qui relie notre travail sur la responsabilisation des finances publiques à l’expertise environnementale du WRI, et à nos partenariats respectifs de la société civile dans les pays. Ce partenariat potentiellement puissant visent à renforcer la capacité des acteurs nationaux de la reddition des comptes à assurer que les fonds consacrés au changement climatique soient gérés avec une transparence et une responsabilisation totales afin de créer un avenir durable, en particulier pour les populations pauvres et marginalisées.
Qu’avons-nous appris jusqu’à présent ?
Les évaluations de l’IBP-PNUD dans les quatre pays ont révélé que les systèmes officiels de responsabilisation et les écosystèmes de responsabilisation pour le financement du changement climatique sont, au mieux, toujours émergents. Il existe des faiblesses communes dans les systèmes entre les pays, y compris le manque de transparence au niveau national et local sur les fonds disponibles pour lutter contre le changement climatique et leur utilisation ; des possibilités limitées pour les citoyens et les OSC de participer aux activités liées au climat en matière de planification, de budgétisation et de surveillance sur le terrain ; des problèmes de capacités qui empêchent une supervision efficace de la part des la société civile, des médias et des institutions de contrôle officielles. Des signes ont également montré que le manque d’appropriation par les pays des projets financés par les bailleurs de fonds menaçait l’utilisation efficace des ressources. Il est important de noter que ces faiblesses ne sont généralement pas spécifiques au changement climatique, mais plutôt à une fonction de l’écosystème de gestion et de responsabilisation des finances publiques dans son ensemble.
Pourtant, sachant que le renforcement des systèmes clés défaillants peut souvent prendre plusieurs années, certains exemples dans chacun des pays indiquent que le travail réalisé par les OSC a eu un fort impact sur la responsabilisation, même si elles n’ont pas un accès approprié aux processus formels ou à l’information. Il s’agit notamment du suivi des dépenses de reconstruction dues au typhon aux Philippines, des analyses visant à identifier le montant investi par le gouvernement dans l’adaptation au changement climatique en Inde et au Népal, et de l’aide apportée aux pouvoirs publics locaux par les OSC dans le but de rédiger des propositions de projets pour les fonds d’adaptation gouvernementaux aux Philippines.
Les premières fissures des environnements fermés ?
Un certain nombre de facteurs liés à l’action sur le financement du changement climatique indiquent son potentiel d’ouverture dans la tendance actuelle de fermeture de l’espace de l’engagement et de la responsabilisation publics. Premièrement, les enjeux pour les gouvernements qui n’utilisent pas les fonds du changement climatique de manière efficace sont immenses, avec des pertes de vies potentiellement dévastatrices et des coûts économiques exorbitants. Les pays les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, même ceux comme le Bangladesh qui ont sérieusement limité la majorité des mécanismes d’examen et d’engagement du public, seront confrontés à une pression croissante des acteurs internes et externes pour ouvrir et accroître la responsabilisation. Ce facteur et ceux décrits ci-dessous, ainsi que les travaux naissants des OSC identifiés dans les évaluations des pays, indiquent des retours potentiellement substantiels sur investissement dans le renforcement du travail de la société civile concernant la responsabilisation du financement du changement climatique à ce stade précoce.
Un autre facteur important est que l’effort mondial visant à lutter contre le changement climatique s’inscrit dans un processus formel et une structure établis par un traité international. Les pays signataires (148 au 9 juin 2017) se sont engagés à atteindre des objectifs précis d’atténuation et d’adaptation dans un cadre de transparence et de responsabilisation. Dans les pays évalués par l’IBP, ces engagements se sont traduits par des efforts, ou au moins des cadres juridiques, pour rendre disponibles certaines informations financières liées au changement climatique et pour impliquer les OSC dans les processus de planification, mais il reste encore beaucoup à faire. Le fait de s’engager très tôt pour assurer une transparence et un engagement appropriés du public lorsque les pays développent leurs systèmes et processus peut potentiellement porter ses fruits à long terme.
Dans les pays, le travail de responsabilisation en matière de financement du climat pourrait considérablement augmenter la pression sur les gouvernements pour qu’ils mettent en place des processus budgétaires transparents et assurer que les nouvelles ressources disponibles atteignent ceux qui en ont le plus besoin. Tout d’abord, en raison de la nature transversale de l’action sur le changement climatique, en particulier sur l’adaptation, la question a incité un large éventail d’OSC à faire pression sur les gouvernements, y compris les groupes environnementaux, les groupes de gouvernance / transparence et les mouvements sociaux. Deuxièmement, pour une véritable responsabilisation du financement du changement climatique, les informations et les possibilités de participation doivent être disponibles aux niveaux national et infranational – niveaux où les projets et les programmes seront mis en œuvre. Compte tenu de l’urgence de la nécessité d’agir sur le changement climatique, et de la nature transversale de la question, il est possible que les efforts de reddition de comptes se rapportant au financement du changement climatique augmentent l’élan sur la responsabilisation plus large des finances publiques.
Lectures complémentaires
Cette publication est tirée de “That’s How the Light Gets In”: Making Change in Closing Political Environments – a recueil d’essais qui analysent les preuves sur la manière de gtérer la responsabilisation des finances publique dans les environnements politiques difficiles. Ce recueil accompagne le Rapport annuel de l’BP 2016.