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J’ai participé récemment au forum des partenaires du Partenariat mondial de la Banque mondiale pour la responsabilité sociale (GPSA). Le forum a constitué un espace de discussion sur la façon dont la société civile peut influencer la responsabilité du gouvernement, et a été une opportunité de réfléchir à notre compréhension évolutive des relations entre les citoyens et l’État. Je vais me pencher sur cinq points clés issus des discussions sur le forum du GPSA et l’expérience de l’International Budget Partnership (IBP) en matière de responsabilité à l’initiative des citoyens.
1. La responsabilité est une idée politique forte
Tom Carothers du Carnegie Endowment for International Peace a profité de son discours d’ouverture pour mettre en évidence le pouvoir de la responsabilité en tant qu’idée politique. En réalité, il a fait valoir que la responsabilité est une idée évidente de la politique du 21e Siècle qui a un sens pour les citoyens et inspire l’action en faveur du changement. Pourtant, les demandes des citoyens en matière de responsabilité se produisent dans un contexte de réduction de l’espace civique et de baisse de la crédibilité des mécanismes démocratiques.
Le discours de Carother a été l’opportunité de rappeler que la responsabilité est intrinsèquement politique. Le professeur d’université américain Pr Jonathan Fox définit les politiques de responsabilité comme des processus et des espaces formels et informels dotés de dynamiques et de relations de pouvoir au sein desquelles un important éventail d’acteurs demandent des comptes à ceux qui dériennent le pouvoir. Au fil des années, cette définition s’est illustrée dans les rues de Rio de Janeiro, sur la place Tahrir, autour des villages du Rajasthan, et dans de nombreux autres lieux.

Crédit: Twitter / @GPSA_org
2. Un Cadre écosystèmique reflète la dynamique et la nature relationnelle des politiques de responsabilité
L’IBP a participé à deux sessions pendant le forum, toutes deux sur le thème de l’écosystème de responsabilité. Au cours d’une session, nous avons définit les différents acteurs et parcours de la responsabilité et nous avons cherché à comprendre la place des organisations de la société civile (OSC) dans ce système. Les participants au panel ont fait remarquer que des élections démocratiques étaient devenues la norme dans le monde et que de nombreux États sont également en train d’adopter des systèmes de contrôle formels, y compris la création d’agences de responsabilité publique pour promouvoir la « responsabilité horizontale » grâce à la a surveillance, l’audit, ou d’autres fonctions. Mais les élections sont souvent compromises en raison de l’opacité des financements et des politiques clientélistes, tandis que les mécanismes de responsabilité horizontale ne possèdent pas toujours les outils nécessaires pour lutter contre l’impunité et la corruption. De quelle manière les OSC ou les campagnes citoyennes plus larges peuvent comprendre et participer à des mécanismes formels de responsabilité politique de responsabilité horizontale ?
Les OSC essaient souvent de tirer parti des institutions en charge de la responsabilité du gouvernement, avec des niveaux succès variables. Afin de comprendre la marge de manœuvre des acteurs de la responsabilité publique, il est important d’examiner le contexte plus large de la responsabilité du gouvernement. Il s’agit notamment des dynamiques politiques formelles et informelles et des relations de pouvoir qui décident des conditions et de la manière d’utiliser la responsabilité. Le fait de comprendre les négociations politiques impliquées dans l’établissement des mécanismes de surveillance et la manière dont ils sont adaptés aux autres volets du système politique permet de mieux comprendre ce que nous pouvons attendre de ces institutions et la meilleure façon de les pousser à contribuer à la responsabilité.
3. Un engagement constructif ne peut pas saisir la diversité des expériences des citoyens avec l’État
L’approche du GPSA vis-à-vis de la responsabilité à l’initiative des citoyens souligne l’engagement constructif entre les OSC qu’il finance et les acteurs gouvernementaux. Ceci est le résultat de la position du GPSA comme une initiative de la Banque mondiale, avec toutes les limites que cela implique. Et, tandis que les citoyens préfèreront presque toujours une collaboration positive avec l’État, les expériences des partenaires de la société civile de l’IBP démontrent que les relations entre l’État et les citoyens sont souvent beaucoup plus compliquées.
À toutes fins utiles, le GPSA définit la responsabilité sociale en tant que suivi de la prestation de service qui est « externalisé » en faveur des citoyens et des OSC. Cette approche repose encore intrinsèquement sur la volonté politique des décideurs à agir sur les informations fournies par les citoyens. Elle nous pousse à réfléchir sur les incitations et les capacités des différents acteurs gouvernementaux et à travailler « selon la signification » de ces facteurs. Mais elle ne reconnaît ni ne transforme les relations politiques et de pouvoir qui influencent la façon dont les gouvernements sont disposés à écouter la voix des citoyens. Nous demeurons dépendants des « initiés » qui peuvent exister ou non ou prendre des mesures significatives ou non. D’un autre côté, Duncan Green, d’Oxfam, a souligné que le cadrage des titulaires des droits (les citoyens) concernant leurs revendications aux responsables (le gouvernement) est souvent une approche tout aussi simpliste et inappropriée pour traiter de la responsabilité.
La synthèse récente de l’IBP de près de 30 études de cas sur la responsabilité à l’initiative des citoyens montre qu’il existe différents moyens de faire des progrès en matière de responsabilité, sachant que la coopération et la contestation ont toutes deux un rôle à jour, parfois pendant une même campagne.
4. La société civil travaille sur le plan politique mais…
Au cours de la seconde session, les panélistes et les participants ont convenu que les OSC doivent « réfléchir et travailler en termes de politique, » mais ont soulevé la question de savoir comment le faire dans la pratique. De nombreuses OSC définissent explicitement leurs activités comme étant apolitiques afin de maintenir des relations de travail avec les acteurs gouvernementaux qui sont souvent prompts à juger la société civile de partisane et partiale. Dans d’autres contextes, la société civile s’est ouvertement alliée avec les forces et les partis politiques plus progressistes, comme cela est clairement le cas au Brésil et aux Philippines. La limite à placer dépend de nombreux facteurs, mais il n’y a probablement pas une seule bonne réponse : trouver le juste équilibre exige l’analyse politique, la négociation et l’expérience (à savoir, des changements pour les OSC en matière de tactiques, d’outils et de cadrage concernant les acteurs qu’elles impliqueront et les changements dans l’environnement politique) tout en l’ajustant en permanence.
La discussion a ajouté certaines nuances à notre recherche plus large de ce qu’il faut pour connecter les citoyens et les processus publics et les actions en faveur de la responsabilité, et pour avoir un impact réel. Même s’il est clair que la société civile a souvent besoin de travailler avec des coalitions et des alliances pour « combler les lacunes » de l’écosystème de la responsabilité, la création et le maintien de relations de travail entre les différentes OSC peuvent être compliqués par la façon dont les différents groupes approchent les acteurs et les organismes gouvernementaux. Malgré sa complexité, notre discussion a suggéré que les OSC devront probablement réfléchir à la mise en place des synergies entre ces différentes approches.
5. Les acteurs du développement et le soutien en faveur de la responsabilité
Tom Carothers a rappelé aux participants du forum que même si la responsabilité est une idée importante d’aujourd’hui, l’évolution de la réflexion sur le développement est jonché de concepts similaires qui sont devenus populaires, mais qui ont été finalement rejetés. Il s’agit notamment du capital social, du développement participatif et de l’autonomisation, pour n’en citer que quelques-uns. La responsabilité subira-t-elle le même sort ?
Carothers a noté que dans une collection récente d’essais écrits pour l’Initiative de transparence et de responsabilité, quelques 20 experts (y compris Paolo de Renzio de l’IBP) ont cartographié ce qui pourrait être considéré comme un passage de la 1ère génération à la 2ème génération de travail sur la responsabilité. Selon eux, le travail de 2ème génération portaient sur des actions qui :
- intègrent la transparence et l’information dans le cadre d’une stratégie plus sophistiquée et non pas comme une stratégie en soi ;
- adaptent des approches souples et pertinentes au contexte en cas de défis complexes, plutôt que la simple application d’outils « uniques » et de meilleures pratiques ;
- traitent « la mise à l’échelle » non pas comme un processus où il faut « faire plus », mais plutôt comme un processus d’intégration des acteurs, des mécanismes et des procédés de manière systématique ;
- œuvrent sur la « politique de responsabilité » au lieu de poursuivre des méthodes apolitiques et technocratiques
Carothers a fait remarquer que le changement de ce travail de responsabilité représentait une évolution plus large dans la pensée et la pratique du développement (voir Doing Development Differently et Thinking and Working Politically), et que l’industrie du développement ne resterait pertinente que dans la mesure où elle pourrait contribuer utilement à une véritable responsabilité sur le terrain. Le travail en évolution de l’IBP reflète un grand nombre de ces changements positifs vers une responsabilité plus globale et stratégique. En collaboration avec nos OSC partenaires, nous continuerons à en apprendre davantage sur la façon de fonctionner et de renforcer l’écosystème de la responsabilité avec plus d’efficacité.