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Le Diable se glisse-t-il dans les détails ? La transparence budgétaire dans les secteurs de la santé et de l’éducation

Accès à l’eau potable, à l’éducation, aux services de santé, au logement, à des conditions de travail sûres, absence de discrimination et éradication de la pauvreté. Cette liste, et ces combats, ne sont pas près de s’arrêter.

Mais pourquoi les organisations qui se concentrent sur la santé maternelle dans les communautés rurales, ou l’accès à l’éducation pour les enfants handicapés, ou l’approvisionnement en eau et l’assainissement dans les bidonvilles (pour ne donner quelques exemples), devraient-elles se préoccuper du manque d’informations dans les documents budgétaires ?

Pour que les services soient assurés, que l’équité soit renforcée et que les droits soient respectés, les services gouvernementaux doivent être financés, ce qui implique d’examiner le budget et les documents budgétaires clés. Par exemple, les organisations qui traitent des problèmes relatifs aux services de santé ou d’éducation auront probablement besoin de connaître le montant des financements alloués à ces activités, et de savoir s’ils ont effectivement été dépensés et par qui. Mais les informations agrégées ne suffisent pas : elles auront également besoin d’informations détaillées sur des programmes spécifiques, sur les types de dépenses, sur la répartition géographique et sur les niveaux administratifs concernés. Sans ces informations, il est difficile de tenir quiconque au gouvernement responsable des éventuels échecs dans la prestation de services.

Le manque d’informations budgétaires suffisantes a longtemps constitué un obstacle au contrôle des décisions gouvernementales. Bien que l’Enquête sur le budget ouvert (OBS), récemment publiée, indique une amélioration de la moyenne mondiale pour la transparence budgétaire, 86 des 117 pays évalués ne fournissent toujours pas suffisamment d’informations au grand public, ce qui entrave la capacité de la société civile à tenir les gouvernements responsables de leurs actions en matière de ressources publiques.

 width=L’OBS donne un bon aperçu de l’état général des données budgétaires, mais nous savons que les organisations engagées dans un secteur donné ont besoin d’informations plus spécifiques et plus détaillées. Reconnaissant l’importance de ces données pour les défenseurs d’un secteur, l’IBP a doté l’OBS 2019 d’un module complémentaire sur la transparence du budget sectoriel, qui s’applique à l’éducation ou à la santé dans les pays sélectionnés. Ce module s’appuie sur des discussions avec les partenaires de l’IBP sur leurs intérêts (voir le schéma) et s’intéresse à 10 thèmes utiles pour que le public puisse comprendre la façon dont les ressources sont utilisées dans un secteur (ou une fonction). Plus précisément, il se concentre sur la présence ou l’absence d’informations (et leur niveau de détail, le cas échéant) nécessaires pour répondre à des questions telles que :

  • Quelles ressources sont allouées au ministère de l’Éducation ou de la Santé et quel montant est effectivement dépensé ?
  • Les données sur les budgets alloués et dépensés pour le secteur concerné sont-elles disponibles dans les documents du budget central ?
  • Quel montant a été alloué à une région ou à un département (répartition géographique) ?
  • Quelle a été l’évolution dans le temps des ressources allouées à un secteur particulier ?
  • Quel montant est alloué à des programmes spécifiques, par exemple pour la santé maternelle ?

Le module a été mené parallèlement à l’OBS 2019 et a évalué 28 des 117 pays de l’enquête. Il a suivi la même méthodologie que l’OBS, mais a également inclus 20 nouveaux indicateurs supplémentaires.

Les résultats globaux de cette évaluation pour les deux secteurs, décrits dans un nouveau dossier de l’IBP, suscitent des inquiétudes, même s’ils ne sont pas entièrement inattendus. Voici quelques-unes des observations importantes :

  • Bien que de nombreux pays fournissent des informations sur les dépenses globales pour les secteurs évalués, peu d’entre eux fournissent des informations détaillées sur les programmes ou activités mis en œuvre dans ces secteurs. Il s’agit d’informations essentielles pour les acteurs travaillant avec des groupes ou communautés vulnérables spécifiques. Par exemple, nous ne connaissons pas toujours les montants alloués et dépensés pour des programmes de lutte contre la malnutrition ou contre l’illettrisme.
  • La répartition géographique du financement pour les secteurs de la santé et de l’éducation n’est présentée que dans 6 des 28 pays, ce qui limite la capacité de la société civile à effectuer le suivi des budgets alloués et des dépenses dans les domaines de la santé et de l’éducation et à comparer ces informations avec les niveaux de malnutrition, d’alphabétisation ou de pauvreté dans ces régions.
  • Plus d’informations sont généralement disponibles sur les ressources allouées (phase de formulation du budget) et approuvées par le législateur que sur la manière dont les ressources sont dépensées. Le manque d’informations concernant à la fois les montants alloués à un secteur et ce qui a été dépensé incite à se demander si, et dans quelle mesure, un gouvernement tient ses promesses.
  • Il n’est pas facile d’évaluer les résultats des ressources publiques, car les liens entre les politiques sectorielles, les objectifs et les performances sont ténus. 21 des 28 pays évalués ont adopté une structure dans laquelle les budgets sont plus explicitement mis en relation avec les objectifs des dépenses ; cependant, même dans ces cas, moins de la moitié d’entre eux fournissent une description claire des politiques sectorielles et de la manière dont le budget vise à les réaliser.

En résumé, ces résultats mettent en évidence la nécessité de disposer d’informations plus détaillées dans les documents budgétaires. Comme nous le savons tous, le diable est dans les détails, mais pour le moment, les détails ne sont pas publics.

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Pour nous tous, y compris pour les organisations qui n’ont pas intégré l’examen des budgets officiels dans leur travail habituel, des informations plus détaillées sont en train de devenir encore plus urgentes. Le contexte actuel exige une vigilance plus accrue que jamais sur la manière dont les gouvernements utilisent les fonds publics pour répondre à la pandémie de COVID-19. Les gouvernements prennent des décisions cruciales sur la manière, le lieu et le moment où les ressources seront dépensées, et sur qui en bénéficiera. Pourtant, peu d’informations sont fournies pour répondre à ces questions.

La bonne nouvelle est que la société civile et d’autres acteurs du monde entier collaborent pour attirer l’attention sur le besoin urgent de plus de transparence en temps de crise et d’une plus grande ouverture sur les interventions d’urgence. Les gouvernements ont désormais la possibilité de développer leur collaboration avec la société civile pour le suivi de leur réponse d’urgence en fournissant les informations spécifiques et détaillées nécessaires à l’ouverture d’un dialogue. La société civile peut également saisir cette occasion pour demander les informations dont elle a besoin et s’assurer que des financements publics essentiels pour les services et l’aide économique ne sont pas gaspillés.

 

Authors

Sally Torbert

Policy Manager, International Budget Parnership

Sally Torbert joined the International Budget Partnership in August 2017 and is based in Tbilisi, Georgia. As IBP’s Policy Manager, she leads IBP’s Budget Credibility and Debt Accountability initiatives in collaboration with IBP’s country teams and civil society partners.

Prior to joining IBP, Sally worked as a public sector and governance specialist with expertise in public financial management, service delivery, social accountability, and capacity building. She has previously held positions with the World Bank, DAI, UNCDF, and UNDP, supporting public finance and governance reforms in Afghanistan, Lao PDR, Nepal, Mozambique, and Timor-Leste. She holds a BA from Princeton University and a Masters from the Fletcher School of Law and Diplomacy.

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