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Comment réduire « l’écart de participation » dans les budgets publics

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Obliger les gouvernements à rendre des comptes n’est pas une chose facile. La capacité des citoyens à surveiller et à influencer la façon dont les gouvernements gèrent les ressources publiques, et à veiller à ce que leurs besoins et leurs priorités soient reflétés de manière adéquate dans les budgets, dépend probablement de deux composantes essentielles :

  1. L’accès à des informations détaillées et actualisées sur tous les aspects de la politique fiscale et budgétaire ; et
  2. Les possibilités d’impliquer les institutions de l’État dans un dialogue constructif sur la définition des priorités de la politique et l’évaluation de leur mise en œuvre.

La première composante (la transparence) a toujours bénéficié de beaucoup plus d’attention que la deuxième (la participation). Pourtant, comme le montrent bon nombre de nos études de cas sur le moment et la façon dont les campagnes de la société civile ont un impact sur les budgets gouvernementaux, la transparence budgétaire à elle seule ne suffit pas pour apporter des changements positifs. Les organisations de la société civile (OSC) doivent être en mesure d’utiliser les informations financières afin de faire pression sur les gouvernements. Cela se produit souvent, mais pas seulement par le biais des canaux de participation institutionnalisés.

En d’autres termes, s’il y a peu de possibilités de participer aux processus budgétaires en présentant des analyses et en préconisant le changement, la transparence des finances publiques est susceptible de perdre sa signification. Par ailleurs, une participation sans transparence risque d’être inefficace si les exigences et les débats autour des budgets sont basés sur des informations limitées.

Mesurer les opportunités de la participation du public

Pour cette raison, l’International Budget Partnership (IBP) a encouragé les gouvernements non seulement à divulguer davantage d’informations budgétaires, mais également à ouvrir des canaux et des opportunités permettant aux citoyens et aux OSC de participer au processus budgétaire. En commençant par l’Enquête sur le budget ouvert en 2012, nous avons tenté de calculer la mesure dans laquelle les gouvernements fournissent de telles opportunités. Une série de 16 questions évaluant la mesure dans laquelle l’exécutif, la législature et l’institution supérieure de contrôle offrent des possibilités pour les citoyens, les OSC et les autres de participation au processus budgétaire.

Comme pour les 109 questions relatives à la transparence utilisées pour construire l’Indice sur le budget ouvert, nous pouvons construire un indice similaire à partir des questions sur la participation. La figure ci-dessous décrit les scores de transparence et de participation de l’ensemble des 102 pays inclus dans l’Enquête sur le budget ouvert 2015. La ligne rouge montre des scores égaux entre la transparence et la participation ; la ligne pourpre montre les scores de participation qui sont inférieurs de 30 points aux scores de transparence :

Budget Transparency and Participation in 2015

Transparence et participation budgétaires en 2015. Cliquer pour agrandir.

Que montre cette figure ? Premièrement, les deux mesures sont corrélées de manière positive – les pays les plus transparents ont tendance à offrir davantage de possibilités de participation. Deuxièmement, elle illustre ce que nous appelons « l’écart de participation », ce qui confirme que les pays sont plus performants sur la transparence que sur la participation. Dans la plupart des cas, cet écart reste stable à 30 points – la plupart des points apparaissent entre les lignes rouges et pourpre – mais dans certains cas, l’écart est supérieur à 40 points.

Ces différences ne doivent pas être simplement être considérées comme des chiffres ; les questions sur la participation sont beaucoup moins nombreuses que celles sur la transparence, et les deux indices mesurent des concepts très différents (mais interdépendants). L’analyse de quelques exemples peut contribuer à expliquer la situation existante dans les pays qui enregistrent des écarts anormalement importants entre leurs scores de transparence et leurs scores de participation.

Transparence plus élevée, participation moins élevée

Le Mali et la Russie sont tous deux des exemples extrêmes de « l’écart de participation ». Les deux pays enregistrent de meilleures performances en matière de transparence par rapport aux opportunités par participation.

Le score de l’IBO du Mali est bien supérieur à celui de la moyenne régionale, pourtant la seule opportunité de participation budgétaire se produit lorsque le Parlement invite quelques experts de la société civile à présenter leurs points de vue lors des audiences sur le budget. Cette situation est relativement fréquente en Afrique, comme par exemple au Maroc et au Mozambique, deux autres pays qui enregistrent des « écarts de participation » importants.

En Russie, alors que l’exécutif a pris des mesures préalables pour introduire des consultations avec les OSC sur les questions fiscales, ni la législature, ni l’institution supérieure de contrôle n’ont créé de mécanismes de participation des citoyens. Dans tous ces pays, la mise à disposition au public des informations budgétaires ne peut pas aboutir à une responsabilisation en raison du manque de possibilités de participation.

Participation plus élevée, transparence moins élevée

Fait intéressant, dans quelques pays, la situation est inverse. Le Venezuela et le Vietnam  sont deux exemples de pays dans lesquels la participation est nettement plus élevée que la transparence, en dépit du fait que les deux pays sont peu performants dans les deux domaines.

Le Venezuela, en particulier, ne publie que deux des huit documents budgétaires clés que l’enquête examine. En outre, ceux-ci ne contiennent que des informations limitées. Pourtant, la loi sur la lutte contre la corruption de 2014 exige désormais de l’exécutif qu’il soumette des projets à la fois de la Loi cadre budgétaire pluriannuelle et de la Loi de finances à des fins de consultation publique avant d’être présentées à l’Assemblée nationale. Les citoyens et les OSC ont également le droit de participer à l’élaboration, l’évaluation et l’exécution du budget

Le Vietnam enregistre des résultats sensiblement meilleurs que ceux du Venezuela sur le front de la transparence, en publiant cinq des huit documents budgétaires clés. Les citoyens ont également des possibilités intéressantes de participation, à la fois à travers l’Assemblée législative et l’institution supérieure de contrôle. L’Ordonnance de la Démocratie de base (Grassroots Democracy Ordinance) de 2007, a mis en place ces opportunités en ouvrant des espaces de dialogue et de participation au niveau local, y compris sur les questions budgétaires. Le principal défi dans les deux pays est de veiller à ce que ces espaces de participation soient soutenus par une communication adéquate des informations budgétaires pertinentes.

Transparence élevée, participation élevée

Il y a cependant deux pays qui représentent des modèles plus vertueux, en combinant la transparence et la participation : la Corée du Sud et la Suède.

La Corée du Sud enregistre des scores très élevés en termes de participation. C’est l’un des pays qui incarne le mieux l’idée que des opportunités multiples doivent exister pour que les citoyens participent au processus budgétaire au cours de ses différentes étapes (voir l’étude de cas). Le ministère des Finances a mis en place un conseil consultatif qui comprend des experts de la société civile et dirige un système ouvert de propositions à travers lequel les citoyens peuvent faire part de leurs idées politiques et signaler les cas de dépenses inutiles. Les audiences budgétaires à l’Assemblée nationale sont télévisées, notamment les témoignages de la population. Les débats sont ensuite publiés. L’institution de contrôle, qui gère une ligne d’assistance téléphonique pour signaler les cas de fraudes et d’irrégularités, effectue régulièrement des audits sur la base d’informations communiquées par le public.

La Suède est un exemple de pays dont les niveaux de transparence sont élevés — le pays est classé au deuxième rang de l’Indice sur le budget ouvert — et qui dispose de systèmes de participation relativement raisonnables. Ces systèmes ne sont pas nécessairement spécifiques aux budgets, mais ils offrent aux citoyens des possibilités significatives de participer aux questions budgétaires avec le gouvernement.

Les Philippines déploient également des efforts pour promouvoir à la fois la transparence et la participation (voir l’étude de cas). Le score de l’Indice sur le budget ouvert du pays s’est amélioré en même temps que les possibilités de participation grâce à l’Initiative de la budgétisation ascendante.

De quelle manière les gouvernements peuvent-ils s’améliorer ?

En règle générale, il est logique pour les gouvernements de commencer par améliorer la transparence avant d’améliorer la participation. Cependant, ils doivent être prudents et ne pas laisser l’écart de participation s’élargir qui finira par provoquer un déséquilibre entre les deux pendant l’ouverture progressive des processus budgétaires.

Voici quelques options que les gouvernements peuvent utiliser pour répondre à l’écart de participation :

  1. Intégrer les mécanismes de participation pour la formulation et l’exécution du budget dans les lois ou les règlements, et veiller à leur mise en œuvre.
  2. Fournir au public des informations précises sur les processus participatifs existants et assurer une rétroaction sur la façon dont les contributions du public ont été utilisées.
  3. Assurer que les audiences parlementaires sur le budget soient accessibles au public et représentent des espaces pour que les citoyens et les OSC puissent commenter et présenter des témoignages sur tous les aspects du budget du gouvernement, y compris sur les résultats et les rapports d’audit.
  4. Créer des mécanismes permettant aux citoyens et aux OSC de contribuer à la définition du plan d’audit de l’institution supérieure de contrôle, et à l’enquête d’audit, si possible.
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OBS2015 Report French.pdf

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Authors

Paolo de Renzio

Senior Research Fellow, International Budget Partnership

Paolo de Renzio joined the International Budget Partnership in October 2010 as Senior Research Fellow and is based in Rio de Janeiro, Brazil. His research agenda covers a broad range of topics, including budget transparency and accountability, equity and justice in budgeting, taxation and tax expenditures, among others. He also supports the team producing the Open Budget Survey. Prior to joining the IBP, Paolo worked as a Research Fellow at the Overseas Development Institute; as an economist and policy advisor in Papua New Guinea’s Ministry of Finance; and as a UNDP public sector specialist, lecturer, and independent consultant in Mozambique. He has been a consultant for the World Bank, the Organization for Economic Cooperation and Development, the European Commission, and for a number of bilateral donor agencies and international NGOs. Paolo holds a PhD in International Relations from the University of Oxford, where his research focused on the impact of donor policies on budget reforms in developing countries. He also holds an MSc in Development Studies from the London School of Economics and a Bachelor’s degree in Economics from ‘Bocconi’ in Milan, Italy.

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