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Depuis la création de l’International Budget Partnership (IBP) en 1997, les organisations de la société civile (OSC) ont fait des progrès spectaculaires en faveur de la transparence des budget et des processus budgétaires. Mais leur capacité à utiliser les budgets comme outil de transformation de la vie a souvent été limitée par un paradigme conventionnel dans lequel la taille du « gâteau » budgétaire est fixe, et lorsque la crise frappe, la réponse par défaut consiste à réduire les dépenses plutôt que d’augmenter les recettes nécessaires pour assurer les services essentiels.
Le cœur du problème est que les impôts fournissent les ressources dont les gouvernements ont besoin pour répondre aux besoins de leurs citoyens. Et, dans la plupart des pays en développement, les recettes fiscales restent inférieures à celles qui sont nécessaires pour financer les services de base et favoriser le développement. Au fur et à mesure du renforcement du travail budgétaire de la société civile, les militants constatent que les progrès se heurtent au manque de ressources publiques et sont obligés de défendre des avantages obtenus difficilement en période de tension budgétaire. En reliant les deux extrémités du budget – les dépenses et les recettes – le travail fiscal peut potentiellement transformer les débats sur les services publics, en commençant par ce qui est possible de faire avec les ressources existantes et en poursuivant avec ce qui est nécessaire pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. Le travail entourant les recettes fiscales et les autres ressources peuvent également élargir la gamme des alliances dans le domaine de la fiscalité, de la transparence et de la responsabilisation générales, se traduisant par une voix collective plus forte et un plaidoyer plus puissant.
Dans ce contexte, l’IBP a examiné la politique fiscale et le paysage du plaidoyer, en particulier ceux des pays en développement, pour évaluer s’il était possible de renforcer la capacité de la société civile à s’impliquer dans la construction de systèmes fiscaux solides et équitables au niveau des pays. À la quasi-unanimité, les intervenants, allant des bailleurs de fonds aux partenaires de la société civile et aux chercheurs, ont clairement vu le rôle que pouvait jouer l’IBP. En plus de nos partenariats solides dans le monde en développement et de la capacité à participer à la fois aux débats stratégiques techniques de haut niveau et au plaidoyer de la société civile, l’IBP est en mesure de placer la fiscalité dans un continuum de justice fiscale plus large qui déploie un ensemble complet d’outils vers l’objectif de répartir les ressources publiques de manière plus équitable.
Bien que les parties prenantes aient envisagé un rôle clair et important pour l’IBP, elles ont également souligné l’ampleur du défi. En dépit du fait que plusieurs partenaires d’IBP aient participé à des travaux liés aux recettes, la majorité d’entre eux concentrent leurs efforts sur la transparence et les dépenses publiques. Le travail de la société civile sur les impôts dans les pays en développement a été moins axé sur les détails pratiques des systèmes fiscaux nationaux et plus sur les normes et les standards internationaux autour des problèmes tels que l’évasion fiscale agressive et les flux financiers illicites ou les aspects particuliers de la politique fiscale intérieure, comme les ressources naturelles ou les incitations fiscales. L’expérience de l’IBP pour améliorer la structure des budgets, la disponibilité des informations pour éclairer les débats budgétaires et les possibilités pour le public de participer à ces débats est largement considérée comme un complément naturel au travail sur le cadre global des systèmes fiscaux au niveau des pays.
Dans le cadre de ce travail, le vent semble tourner. Les impôts et leur rôle dans la perpétuation et l’atténuation des inégalités sont sur le devant des débats politiques mondiaux et font la une des journaux à travers le monde. L’Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de développement durable mettent tous l’accent sur la mobilisation des ressources intérieures pour générer les recettes nécessaires pour atteindre des objectifs stratégiques agressifs. Les exposés mondiaux, comme les documents de Panama, ainsi que le travail acharné des militants internationaux comme le Réseau de la justice fiscale, Oxfam et Christian Aid ont mis en lumière le rôle des paradis fiscaux, l’évasion fiscale agressive et les flux illicites dans le détournement de richesse (souvent générés par l’exploitation des ressources naturelles) des économies des pays en développement. Pourtant, malgré l’attention récente, un écart demeure entre le niveau d’engagement dans les débats politiques mondiaux et le niveau de participation significative de la société civile aux débats sur les recettes dans la majorité des pays du monde.
Ce problème est aggravé par le mythe entourant l’impôt, qui décourage souvent la participation de la société civile, dans la mesure où les débats fiscaux sont menés en public et sont dominés par les intérêts d’une élite dotée d’une expertise sophistiquée. En outre, la société civile a déjà dû se battre pour un siéger à la table où sont discutés les budgets qui affectent la santé, l’assainissement et les autres besoins essentiels. Les débats fiscaux sont traditionnellement moins ouverts et plus politisés et divisés que ceux qui portent sur la transparence ou qui sont en faveur des dépenses favorables aux pauvres, en particulier lorsque des conflits surviennent entre l’intérêt public et une opposition influente. Ainsi, le fait de s’impliquer sur le travail fiscal permettra probablement de tester les capacités des partenaires à réfléchir politiquement et pourra nécessiter de trouver de nouveaux alliés et de développer de nouvelles stratégies pour réussir.
Travail difficile en période difficile
Il peut sembler contradictoire de commencer une activité nouvelle et difficile à un moment où l’espace pour l’engagement de la société civile est réduit dans de nombreuses régions du monde. En réalité, les recherches montrent que les gains acquis les plus importants concernant le travail budgétaire ont été obtenus en période de crise. Des preuves récentes suggèrent que l’amélioration de la transparence et de la responsabilisation des systèmes fiscaux peut susciter un dialogue national plus large autour de la gouvernance qui entraîne des réformes, et que l’engagement de la société civile peut jouer un rôle essentiel pour établir le lien entre la mobilisation des ressources nationales et une plus grande responsabilisation.
Historiquement, les débats autour de la réforme fiscale et de la fiscalité se sont concentrés sur le fait de garantir suffisamment de fonds pour financer les fonctions essentielles du gouvernement et créer un contexte de croissance économique. Bien que la nécessité du principe « plus de recettes mieux dépensées » demeure fondamentale pour le développement humain et économique dans la plupart des pays en développement, la structure des régimes fiscaux nationaux a des implications importantes pour la gouvernance et les relations entre les gouvernements et leurs citoyens.
La relation entre les deux extrémités du budget est également essentielle pour une démocratie saine. Les recherches suggèrent que la fiscalité peut produire un « dividende de gouvernance », lorsque les gouvernements assurent une plus grande transparence et une plus grande responsabilisation en contrepartie de niveaux de taxation et de conformité fiscales plus élevés. La fiscalité peut également inculquer un sentiment plus fort d’appropriation parmi les citoyens qui se sentent habilités à faire des demandes à leurs gouvernements. Pourtant, ce « cycle vertueux » n’est pas inévitable. Des politiques fiscales, équitables et bien administrées, et des recettes dépensées pour promouvoir l’intérêt public, permettent d’établir des liens forts entre les gouvernements et les citoyens. Les personnes qui ne jurent que par leurs préférences et s’appuient sur des mécanismes de collecte arbitraires ou coercitifs sapent la confiance dans la gouvernance.
Le travail en matière de fiscalité de la société civile peut jouer un rôle essentiel en veillant à ce que la structure des systèmes fiscaux favorise la responsabilisation et aboutit à une meilleure compréhension du rôle du gouvernement et de l’importance d’une gouvernance efficace. Un programme d’imposition de la société civile permet de renforcer les capacités de base que l’IBP et ses partenaires ont affinées au cours des deux dernières décennies. Les groupes budgétaires peuvent accroître la sensibilisation du public en traduisant des concepts fiscaux complexes et en expliquant les liens entre les recettes et les services qu’elles assurent. Les efforts de plaidoyer collectif peuvent profiter d’une plus grande sensibilisation du public pour contribuer à équilibrer les règles du jeu et renforcer la voix du public dans les débats politiques qui étaient auparavant réservés aux intérêts des élites. Enfin, une société civile mobilisée peut jouer un rôle essentiel dans l’élimination de la corruption et assurer une prestation efficace des services, en créant une boucle de rétroaction qui peut stimuler le soutien à des niveaux d’imposition plus élevés et améliorer le respect des lois fiscales existantes.
Lectures complémentaires
Cette publication est tirée de “That’s How the Light Gets In”: Making Change in Closing Political Environments – a recueil d’essais qui analysent les preuves sur la manière de gtérer la responsabilisation des finances publique dans les environnements politiques difficiles. Ce recueil accompagne le Rapport annuel de l’BP 2016.